Pour comprendre le défi, trois chiffres suffisent :
• La France compte aujourd’hui 28 millions de logements utilisés sous forme de résidence principale.
• Chaque année, moins de 400 000 logements se construisent, soit un renouvellement à hauteur de + 1,4% du parc/an
• D’ici 2040, le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans passera de 4 à 7 millions, soit 3 millions de « plus de 80 ans » en 20 ans.
De ces trois chiffres découlent une conclusion : étant la croissance des « plus de 80 ans » (+ 3 millions en 20 ans) et le faible flux de créations nouvelles de logements, l’adaptation des logements existants au vieillissement de la population devrait prendre une place centrale dans les politiques publiques. Or, tel n’est pas le cas.
Sensibiliser les pouvoirs publics
La politique du logement des seniors n’est pas au cœur des préoccupations du Ministère de la Santé. Et l’adaptation du logement au vieillissement n’est pas, loin s’en faut, au centre des préoccupationsdu Ministère du Logement. Le premier a bien à faire avec les Ehpad. Le second se soucie plus de rénovation énergétique. Dès lors, le sujet de l’adaptation des logements au vieillissement se situe trop souvent en dessous des radars des pouvoirs publics. Ce Rapport a donc comme première intention de sensibiliser de nouveau chacun à cet enjeu majeur. Car un vieillissement harmonieux passe par une politique publique forte et ambitieuse d’adaptation des logements.
La prévention avant tout
Mais cette politique publique se doit d’être préventive. Elle est aujourd’hui trop « curative » ce qui se traduit par des travaux d’adaptation dont les bénéficiaires ont en moyenne ... 83 ans soit un âge quasiment similaire à l’âge moyen d’entrée en Ehpad. Plutôt que d’être réalisés en amont, ces travaux sont trop souvent entrepris après un premier accident domestique (et très souvent après une chute), entrainant un enchainement de coûts humains et de coûts pour la collectivité. Rappelons-le : les chutes domestiques des personnes âgées de 65 ans et plus provoquent près de 10 000 morts par an. Un chiffre près de 3 fois supérieur aux décès dues à la circulation routière.
De grandes priorités
De ces différents constats, nous voudrions à ce stade formuler quelques grandes priorités qui devront figurer d’une manière ou d’une autre dans la loi Grand Âge et Autonomie. Il faudra :
• encourager et financer le plus en amont possible l’adaptation du logement des propriétaires-occupants. En effet, 65% des seniors sont aujourd’hui propriétaires de leur logement. Si ces personnes veulent « vieillir à domicile » c’est en priorité le logement qu’elles occupent qui doit faire l’objet des travaux et adaptations nécessaires.
• mobiliser les professionnels et artisans du bâtiment pour que ces
adaptations soient réalisées dans un double souci d’efficacité et d’éthique.
• harmoniser les efforts des bailleurs sociaux en les encourageant à mener des stratégies concertées entre eux.
Intégrer les nouvelles technologies
Mais, au-delà, il convient de dépasser la seule question immobilière pour intégrer les dimensions liées aux nouvelles technologies et aux services. En effet, un logement dit « adapté » ne se résume pas qu’au seul aménagement du bâti. Encore faut-il que la personne à son domicile bénéficie de solutions en matière de sécurité, de conservation du lien social et de suivi médical. Des technologies sont porteuses de ses solutions, telles que la domotique, la téléassistance, la télémédecine ou le monitoring. Demain, l’internet des objets, les capteurs, les sols intelligents, l’intelligence artificielle devront s’inviter au domicile des personnes âgées pour peu que ces techniques apportent évidemment un surcroît de services.
Penser aux personnels accompagnants
Il ne faut oublier non plus que le domicile de la personne âgée est aussi bien souvent un lieu de travail pour les salariés qui officient en qualité d’auxiliaire de vie ou d’aide-soignante et dont l’accidentologie et l’absentéisme sont particulièrement développés.
Adapter un logement c’est aussi appréhender les conditions d’une sécurité et d’une ergonomie propres à l’exercice du métier des aidants professionnels.